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Les Carnets de Philippe Truong
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Les Carnets de Philippe Truong
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4 avril 2006

Collection Duong-Hà : les pots à chaux

A la mémoire de ma tante,

Dr. Duong Quynh Hoa.

S'il est un objet qui milite en faveur de l’indépendance d’esprit, de la recherche créative et de la sensibilité du peuple vietnamien, c’est le pot à chaux.

Bien qu’associé à la chique de bétel, son existence semble ne remonter qu’au IIe siècle, durant la période Giao Châu. Aucune pièce ne fut exhumée lors des fouilles archéologiques correspondant à la période Dông Son, ni même d’objet renfermant des traces d’oxyde de calcium. Il se poursuit sans discontinuité jusqu'au milieu du siècle dernier.

Sa conception, essentiellement vietnamienne, reflète tout l'esprit artistique des potiers du pays qui, l'inverse des artisans chinois, recopiaient la nature, en lui empruntant des motifs décoratifs traités avec réalisme. Ainsi, le pot à chaux doit sa forme aux trois éléments qui composent ce masticatoire, à savoir la chaux, le noix d'arec et le bétel. Son corps adopte l'aspect d'un rocher, d'où fut extraite la chaux ; l'anse, en un aréquier dont les fruits et les barbes sont modelées sur l'épaule, ainsi que les lianes de bétel. Cette morphologie, plus ou moins stylisée, persista pendant des siècles.

Il existe deux catégories de pot à chaux, ceux destinés à être conservés dans la maison et ceux, de taille plus modeste, à être transportés sur soi, dans une pochette accrochée à la ceinture.

Les Vietnamiens le considéraient comme un objet cultuel. Ils l'honorent et le vénèrent comme un dieu tutélaire. Ainsi, ils le nomment très respectueusement par ông vôi ou ông binh vôi, « Monsieur Pot à chaux ». Parfois ils se contentent de le désigner par ông, Monseigneur, ou même ông chu, Maître. A l'inverse des autres objets cultuels, le pot à chaux n'est pas destiné à être placé sur les autels des ancêtres ou dans une pagode. Comme le fourneau, ông bêp, dont il partage cette particularité, il participe activement à la vie quotidienne du peuple. Erigé au titre de génie, il attirerait le malheur sur l'imprudent qui, par mégarde, le casserait ou l'ébrècherait. Deux moyens s’offrent à lui pour se racheter soit en allant le suspendre aux racines adventives des banians (cf. la légende du pot à chaux), soit de le placer sur la tombe de ses ancêtres afin d'implorer leur bienveillance.

Ainsi chaque maison, aussi modeste soit-elle, possède, placé sur le divan central, son pot à chaux posé sur un plateau, entre une boîte, destinée à conserver les noix d’arec ainsi que les accessoires nécessaires à la réalisation de la chique, et un crachoir pour recueillir la salivation rouge. La boîte peut être en bois en bois laqué ou incrusté de nacre aux sept reflets, en ivoire finement travaillé ou encore en étain. Cette dernière symbolise la famille aisée à travers le dicton « Boire le thé chinois et offrir le bétel sur une boîte en étain ». Un seul exemplaire n’est connu en céramique à décor en bleu de cobalt sous couverte. Datant du XVe-XVIe siècle, il appartient à la collection de H. A. Muddariyah et fut découvert à Sulawesi.

pot___chaux_11Le pot à chaux ne fit son apparition que sous la période Han Viet (Ier-IIIe siècle) comme en témoigne le pot à chaux de la collection (fig. 1), découvert dans la province de Ha Son Binh et daterait du IIe siècle. Il se présente sous l’aspect d’un vase pansu muni d’un bouton de préhension plat1, percé d’une ouverture ronde au niveau de l’épaule et monté sur un pied haut, biseauté et épais. Son corps rougeâtre est délimité en trois bandes horizontales par des filets en relief. Il est revêtu d’une fine couche d’englobe blanc, encore perceptible sur la partie supérieure. La présence des deux épaisses gouttes de glaçure craquelée verte, à base d’oxyde de cuivre, prouve qu’il faisait partie d’un mobilier funéraire d’un dignitaire Lac et non chinois.

L’absence de chaux, en revanche, prouve qu’il fut un objet funéraire et non usuel.

pot___chaux_3Bien que la chique soit universellement répandue sur le pays entre le IIIe siècle et le Xe siècle, suffisamment pour que les Chinois la considère comme l’une des caractéristiques de notre culture, il semblerait que les pots à chaux soient encore rares. Les Vietnamiens se contentaient, comme l’avait noté Clément Huet2, de détourner les petits récipients de leur fonction. Ils les utilisaient pour maintenir humide l’oxyde de calcium. Plusieurs godets à eau chinois de l’époque Tang (618-906) et Song (960-1279) furent découverts au Vietnam renfermant de la chaux, alors qu’à l’origine, ils étaient destinés à la table des lettrés. Le petit vase à eau de la collection (fig. 2), en grès porcelaineux à couverte bleue pâle, datant des Song, avait lui aussi servi de pot à chaux.

L’usage des récipients à goulot étroit comme pot à chaux fut pratiqué dans d’autres pays comme le Champa ou le Cambodge. Si les Chams se contentaient d’un simple détournement de l’objet, en s’appropriant d’une petite jarre, les Khmers ont conçu un objet spécifique, propre à cet usage. Les pots à chaux khmers à partir du XIVe siècle se présente comme un vase zoomorphe (oiseaux, éléphant, lapin, tortue, ...), d’une originalité remarquable. Il est muni d’une ouverture centrale et d’un couvercle. Très apprécié, il fut exporté à travers tout le sud-est asiatique, de la Thaïlande jusqu’en Indonésie, en passant par les Philippines.

Cette pratique subsiste jusqu’au siècle dernier comme l’atteste le petit crachoir en porcelaine blanche à décor en décalcomanie. Il était le préféré de ma grand-mère qui, malgré le grand nombre de pot à chaux dispose, l’utilisait quotidiennement.

Après avoir libéré le pays de la tutelle chinoise, les souverains Ly (1009-1225) cherchèrent à favoriser le développement d’un art puissamment original, générateur d’idées nouvelles. Les modifications des mœurs engendrèrent des formes neuves. Les « classiques », de taille moyenne (entre 15 et 20 cm), sont destinés à être conservés chez soi tandis que les « portatifs », comme l’indique leur nom sont de taille modeste (entre 4 et 6 cm) et pouvaient être transportés accrochés à la ceinture.

pot___chaux_5La forme « classique » sous les Ly a conservé la silhouette pansue, héritée de la période Han Viet, avec des modifications nées de l’insatisfaction et des besoins. Le pot à chaux (fig. 3), en grès à couverte irrégulière blanc crème posée sur un squelette mal épurée où de minuscules cailloux sont perceptibles, est un exemple. Le corps ventru hémisphérique, attribué à la panse du mauvais bonze3, est monté sur un pied annelé. Le bouton de préhension est remplacé par une anse posé au niveau de l’épaule. Aux extrémités de l’anse, les lianes de bétel sont esquissées, schématiquement, sous forme de vrille. Trois pointes de la noix d’arec y sont modelées sur la prise. Elles sont suffisamment symboliques pour évoquer le fruit comme nous le montre cette déclaration voilée d’un jeune eunuque à une belle du gynécée :

« Le jeune serviteur du harem royal demande à la concubine royale :

Le bouton de la noix d’arec peut-il être mâchée avec la chique de bétel ? »

Pour désigner l’extrémité du fruit, le jeune homme avait utilisé le terme vu qui signifie également le téton du sein. A partir du XIIIe siècle, ces pointes furent modelées au sommet du corps, sous l’anse.

pot___chaux_61Les pots à chaux portatifs Ly, créations de cette période, connaissent un développement plus recherché. Sa taille modeste permettait aux potiers de le façonner sous forme d'une noix d’arec, de forme globulaire surmontée d’une pointe4. Puis, pour des raisons pratiques, une petite anse y est apposée. Timidement au début, elle se présente comme une anse boucle, suggérant la pointe de la noix d’arec, avant d’évoluer vers une tige de bétel à peine esquissée comme le montre le pot à chaux (fig. 4).

Les conceptions embryonnaires à la fin des Ly connurent d’importants développements sous la dynastie des Trân (1225-1400), avant de tomber dans la décadence sous les Lê (1428-1788) et les Nguyên (1802-1945).

pot___chaux_71Les pots à chaux portatives Trân possèdent une anse plate, suffisamment élevée afin de permettre une prise facile, comme celui de la collection (fig. 5) à ouverture ovale et le pied annelé. Le décor de fleurs stylisées, peintes en brun ferrugineux, apparaît pour la première fois et révèle pour la première fois un souci d’esthétisme sur un objet usuel. L'usage de l'oxyde de fer sous couverte date de la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle, dans les manufactures comme Dai La, Tuc Mac ou Van Yen, entre autre, et, au XIVe siècle à Kim Lan, Bat Trang.

pot___chaux_91Vers le milieu du XIVe siècle, les pots à chaux classiques adoptent une nouvelle morphologie, ronde et bombée, aplatie au sommet, dite en gâteau « tortue » (banh qui). En grès à corps chamois, le pot à chaux portatif de la collection (fig. 6) est revêtu d’une barbotine blanche et d’une couverte transparente et craquelée qui n’atteint pas le pied. Il est décoré de six fleurs stylisées en oxyde de fer brun. Le pied, spécifique à cet atelier, est haut, formé de plusieurs anneaux superposés et de taille décroissante. Sur la base nue, rougie à la cuisson, figure également trois motifs floraux identiques. Sa forme modeste permettait de le transporter une pochette5 accrochée à la ceinture.

Cette forme fut produite dans la manufacture de Bat Trang durant le début de la dynastie Lê avec un décor peint en bleu de cobalt, avant de disparaître à la fin du XVIe siècle et céder sa place à la forme « classique » dépourvus d’anse.

pot___chaux_12Les potiers Trân inventèrent pour le pot à chaux classique une forme et un décor qui reprennent la légende de la chique6 et adopte les artifices des trois éléments qui rentrent dans la composition de cette chique. Ces pots à chaux (fig. 7) reflètent l’esprit artistique des potiers vietnamiens qui, à l’inverse des chinois, vouaient pour la nature un profond respect et cherchèrent à la recopier fidèlement, dans les moindres détails. Cette attitude qui aurait pu freiner l’essor artistique fut, en réalité, un facteur d’originalité. Ils surent découvrir l’essence de la beauté naturelle et la reproduire. Le corps, sphérique ou ovoïde, se métamorphose en un rocher, monté sur un pied, large et haut. L’anse imita, au départ, l’aspect de deux lianes de bétel entrecroisées, finissant par deux barbes d’arec, pour évoluer, au XIVe siècle, vers un tronc d’un aréquier sur lequel se love une liane. Les noix d’arec sont modelées sur l’épaule et les barbes s’étalent semblable à des rubans. Un anneau « brun chocolaté », peint en oxyde de fer, ceinture la base du corps et le pied. Pour accentuer le côté réaliste de ce décor, les potiers abandonnèrent l’usage d’une couverte unique, blanc crème, propre aux Ly, pour l’associer à des émaux verts, posés irrégulièrement sur l’anse et sur les rondes-bosses, pour simuler la mousse et les plantes.

pot___chaux_13Cette forme perdura jusqu’au XVIIIe siècle dans plusieurs manufactures comme Hôp Lê (Chu Dâu) ou Bat Trang (province de Hai Hung). Ces pièces tardives sont de taille plus grande, atteignant parfois 20 cm. L’anse devient plate avec deux rainures. Les noix d’arec et les barbes sont très stylisées à Bat Trang (fig. 8). Ces dernières se déroulent tels des rubans. Tandis que dans les manufactures provinciales conservent le style réaliste hérité des Trân.

pot___chaux_15A partir du XIVe siècle, une forme nouvelle fut conçue. Ces pots à chaux, en grès ocre, sont revêtus d’une couverte brune. Le corps bulbeux du pot à chaux reprend l’image de la noix d’arec avec sa pointe au sommet de la pièce, sous l’anse. Cette dernière porte au centre, sur chaque face, un ruban modelé, stylisation de la liane de bétel, et aux extrémités deux noix simplifiées en « virgule », se terminant par des barbes. Le pied possède un anneau au contact du corps. Lorsque ces pots étaient réservés à l’aristocratie, leurs décors sont riches et soignés, leur taille importante. Le pot à chaux (fig. 9) est un modèle illustrant cette élégante production. Le décor est finement incisé. Le corps est partagé en trois registres horizontaux, délimitées par des bandes laissées vierges. Le premier, au sommet de la pièce, montre, autour de la pointe modelée, une suite gravée de huit pétales de lotus effilées. Le second, sur l’épaule, est constitué d’une frise de triangles hachurés, présente dès la préhistoire dans la céramique de Phung Nguyên (XXe-XIIe siècle av. J.C.). Le dernier registre qui s’étale sur la panse présente des animaux fantastiques (dragon, qilin, …) parmi les nuages et, sur les côtés, entre les rubans, des fleurs de lotus stylisées. Le dessin gravé des chimères est d’une grande expressivité. Le corps du dragon est recouvert de petits cercles pointés, propres à la céramique de Dong Son (VIIe-Ier siècle av. J.C.). D’autres pièces de la même famille porte un décor, plus sobre, se limitant à une frise de triangles hachurés au niveau de l’épaule et à des pétales lotiformes autour du bouton central. Les barbes sont modelées en de longs rubans droits qui s’étirent jusqu’au pied.

pot___chaux_21La dynastie chinoise des Ming prit prétexte des troubles dynastiques et l’usurpation du pouvoir par Ho Qui Ly (1400) pour envahir le Vietnam et l’occuper de 1407 à 1428. Ils introduisirent de nouvelles modifications au pot à chaux. La terre blanche a été abandonnée pour un grès brun. Les émaux polychromes qui furent réservés uniquement à la vaisselle de « luxe » furent employés comme le gris, le jaune, le bistre et les nuances du bleu, allant du turquoise (fig. 10) au cobalt… Les motifs décoratifs sont empruntés au répertoire iconographique chinoise. La pointe de la noix d’arec devient une fleur de prunus avant d’évoluer vers une fleur de chrysanthème aux multiples pétales. Les barbes se transforment en des rubans ondulants, avant de s’étirer pour finir en crochet. La talles des pots à chaux est devenue importantes.

Les pièces, datant du XVIe-XVIIe siècle, ont su préserver une certaine tradition. Le pot à chaux montre comme décor une fleur de prunus à la place de la pointe de la noix, des noix en « virgule » et des barbes aux extrémités de l’anse. L’anse n’est plus arrondie mais plate, épaisse avec des bandes modelées en relief. Cette forme est empruntée à celle du panier fleuri, attribut symbolique en Chine de l’Immortel Lan Caihe. Au milieu de la poignée, figure une barbe stylisée, déformation du ruban chinois.

pot___chaux_25A partir du XVIIIe siècle, les pots à chaux deviennent baroquisants avec un décor surchargé, riche et exubérant, tantôt incisé tantôt modelé ou peint sous couverte. Ce sont des rinceaux de fleurs, des idéogrammes stylisés, des méandres, des sapèques, des qilin, dragons, etc.… Le pot à chaux de la coll. (fig. 11) en est un exemple bien que sa conception reste relativement modeste, par rapport à certains où même un qilin fut modelé en relief, debout sous l’anse7. Un oiseau volant au-dessus des flots est modelé sur le corps. Les barbes ondulent et forment de virgules, avant de s’étirer en un ruban. L’anse est gravée d’une frise de triangles hachurés, probablement pour simuler le tressage du rotin sur les paniers chinois.

La manufacture de Bat Trang produisait au XVIIIe siècle un pot à chaux8 à couverte blanc crème et à glaçure légèrement céladonnée. Le seul apport du baroque fut le grand nombre de barbes, le plus souvent six, qui s’étalaient sur le corps. Quatre médaillons rectangulaires à angle coupé portent un idéogramme gravé (probablement Tho, Longévité). Le pied est constitué de plusieurs anneaux irréguliers.

pot___chaux_27L’une des créations de la dynastie des Lê (1428-1786) est la forme dite à « oreille ». Si le corps conserve l’aspect de la noix d’arec monté sur un pied épais, l’anse est celle du panier chinois. Le pot à chaux de la collection, datant du XVIIe siècle, est un exemple de cette transition entre les « classiques » Trân et le style nouveau. On retrouve ébaucher une oreille tournée vers l’extérieure avec encore la présence des noix d’arec stylisées en un S. Mais, l’explication des oreillettes se trouve dans cette pièce (fig. 12) qui cherche à copier un pot à chaux en cuivre ou en bronze (d’où l’usage d’une couverte particulière en jaune verdâtre). Les deux oreilles imitent les plaques accolées à l’anse9. On retrouve même le travail de repoussage sur le métal.

Probablement, sous l’influence chinoise, les deux plaques évoluent vers les « rococo scroll », sorte de feuille qui sert de prise sur les couvercles des terrines de la Compagnie des Indes. Sur certain pot à chaux, les nervures apparaissent clairement.

Les pots à chaux à « oreille » furent très appréciés par les souverains Nguyên (1802-1945) qui en commandèrent de multiples exemplaires tant en Chine, « Bleu de Huê », qu’en Angleterre. L’empereur Minh Mang (1841-1847) commanda la fabrique Copeland and Garret (1835-1847) à Stroke-on-Trent (Staffordshire, Angleterre). Ce sont des faïences blanches à décor polychrome ou en bleu médium.

Les Nguyên (1802-1945), derniers souverains du Vietnam, furent fascinés par l’art étranger. En dehors de la fabrique Copeland and Garret, ils commandèrent l’ensemble de leur vaisselle en Chine, les « Bleu de Huê », porcelaine blanche à décor peint en bleu de cobalt sous couverte. L’aristocratie et la bourgeoisie aisée suivirent leur exemple. Les pots à chaux portent des paysages lacustres ou d’autres éléments empruntés à l’iconographie chinoise. L’anse est parfois perforée de multiples petits trous et décorée d’un rinceau de taros d’eau.

À travers les quatre pièces de la collection, on aperçoit l’évolution des motifs de noix d’arec et des barbes. Sur le premier, on retrouve la noix d’arec modelée et les barbes qui se déroulent en ruban (fig. 13) dans le style vietnamien. Puis, les éléments classiques ont disparu et remplacé par des masques taotie10 munie de deux moustaches (fig. 14), par une chauve-souris avec ses ailes déployées (fig. 15) et, enfin, par deux plaques de métal recourbées et lobées, le ruyi, tête des sceptres de commandement, elle-même inspirée du champignon sacré, lingzhi (fig. 16).

t_pot___chaux_29t_pot___chaux_30t_pot___chaux_31m_pot___chaux_322

pot___chaux_26Cependant, les manufactures vietnamiennes continuaient de produire des pots à chaux dans la tradition Lê comme nous le prouve celui de la collection (fig. 17) dont l’anse porte un motif gravé de métamorphose du dragon en rinceau feuillu, dont seule la tête est perceptible. Les élégantes métamorphoses du dragon en plante est une création des seigneurs Nguyên au XVIIIe siècle. Sur d’autres pots à chaux du XIXe siècle, le corps est ovale avec des noix légèrement en relief et des barbes stylisées. Le décor de dragon ou de fleurs11 est peint en bleu de cobalt sous couverte ainsi qu’un nuage sur l’anse. Le pied haut est évasé avant de se rétrécir.

A coté de toutes ces productions de « luxe », citons aussi les deux pots à chaux populaires, datant du XIXe siècle. Ils sont en terre cuite rougie à la cuisson, avec comme décor un timide modelage des barbes.

La collection Duong-Ha renferme également deux pots à chaux étrangers.

pot___chaux_36pot___chaux_35Le premier est thaïlandais. Il possède un corps en forme de noix d’arec et monté sur un pied haut, à couverte d’un vert olive est irrégulière et forme des coulures après cuisson. L’anse se présente sous l’aspect d’un dragon biface (fig. 18). Le musée Pusat (Djakarta) possède une pièce similaire, découverte à Semitau (Bornéo), considérée comme thaïlandaise et datée du XVIe siècle.

Le second est un pot à chaux chinois (fig. 19) datant des Qing avec une anse imitant un portique surmontant une colonne coiffée d’une fleur de lotus ouverte. Cette pièce fut probablement produite dans la manufacture de Shiwan.

1 Cette forme pansue persistera au Vietnam jusqu’au XVIIe siècle comme en témoignent les pièces de la manufacture de My Xuyên (province de Thua Thiên) et au Thaïlande. Pour des raisons de commodité, les pièces postérieures possèdent un col plus haut afin de permettre une prise plus aisée.

2 1941, HUET Clément, « Les pots à chaux ; les pipes à eau », Bulletin des Musées Royaux d’Art et d’Histoire, n° 4, Bruxelles, juillet-août 1941.

3 cf. La légende du pot à chaux.

4 anc. coll. Clément Huet.

5 Ton That Quang a consacré une étude (B.A.V.H., 1916-3, pp. 337-339) consacrée à ces sachets, en usage à la cour des Nguyên au XIXe siècle. Mais, visiblement, ils ne servaient plus qu’à renfermer des quartiers de noix d’arec et des feuilles de bétel.

6 Rappelons que le Linh Nam Chich Quai fut rédigé par un auteur inconnu sous les Trân. La version connue est celle du XVe siècle, retranscrite et améliorée par Vu Quynh (1452-1497) et Kiêu Phu (reçu docteur aux concours mandarinal en 1475).

7 1997, STEVENSON John & GUY John, Vietnamese ceramics, Chicago, Art Média Resources with Avery Press, pl. 416,417.

8 1995, PHAN Huy Lê, NGUYEN Dinh Chiên, NGUYEN Quang Ngoc, Gôm Bat Trang, Hanoi, Nha xuat ban Thê Gioi, pl. 152,158.

9 Cette forme fut reprise dans les commandes « bleu de Huê » comme nous le montre la pièce conservée au Musée Historique de Hochiminh-ville (inv. BTLS 9355), reprod. in, 1999, Bao Tang Lich su Viêt Nam Thanh Phô Hô Chi Minh, Gôm Viêt Nam tai Bao Tang Lich su Viêt Nam Thanh Phô Hô Chi Minh, Thanh Phô Hô Chi Minh, pl. h 171.

10î Emprunté au bronze Shang (XVIIIe-XIe s. A.C.) et Zhou (XIe-IIIe s. A.C.), le taotie, parfois surnommé « glouton », est une figure hideuse à sourcils cornus, ayant une mâchoire proéminente.

11 1999, Bao Tang Lich su Viêt Nam Thanh Phô Hô Chi Minh, op. cit., pl. h 136 ; 1995, PHAN Huy Lê, op. cit., pl. 228.

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M
Magnifique
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