Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Carnets de Philippe Truong
Les Carnets de Philippe Truong
Publicité
Les Carnets de Philippe Truong
Archives
30 septembre 2009

DEFINITION DU « BLEU DE HUE ».

A force de voir l’expression « Bleu de Huê » appliquée à de communes porcelaines chinoises destinées à l’exportation pour le marché du sud-est asiatique, je pense qu’il est nécessaire de définir ce qu’est un « Bleu de Huê ».

L'expression bleu de Hué fut inventée par Louis Chochod en 1909 pour désigner les porcelaines à décor peint en bleu de cobalt sous couverte qu'il découvrait à Huế :

« Il existe deux catégories de porcelaines appelées "bleu de Hué". Les premières sont fabriquées dans les environs de la capitale de l'Annam [Huế] durant la période de 1802 à 1884. Et les secondes sont des pièces de porcelaine réalisées en Chine avant d'être importées au Viêtnam » (Chochod Louis, 1943, Hué la Mystérieuse, Paris, p. 241).

Devenu générique, ce vocable sert à dénommer les porcelaines chinoises à décor en cobalt peint sous couverte fabriquées pour le Vietnam (et pas seulement à Huế puisqu’il existe les porcelaines XVIIIe s. réalisée pour les seigneurs Trinh) entre le XVIIIe et le XXe siècle.

En l'état actuel des recherches, le terme « bleu de Huê » est impropre. En histoire de l'art, le terme « émaux de Canton » ou « bleu de Sèvres » désignent toujours le lieu de fabrication. Quand Louis Chochod avait inventé cette expression, il croyait que certaines pièces étaient fabriquées à Long Tho, manufacture située dans les environs de Huê. Or nous savons aujourd’hui que ces porcelaines n’ont jamais été fabriquées au Vietnam mais commandées en Chine.

Persister à utiliser le terme « bleu de Huê » serait une erreur. Cela reviendrait de désigner par« porcelaine de Versailles » les services commandés à la manufacture de Vincennes ou de Sèvres par Louis XV ou Louis XVI pour le château de Versailles !

Autre raison inadéquat de désigner ces pièces « bleu de Huê »est que ces commandes n’étaient pas uniquement destinées à Huê mais aussi à Thang Long (Hanoi actuellement, au XVIIIe s. pour la résidence des seigneurs Trinh), à Phu Xuân (ancien nom de Huê au XVIIIe s. pour les seigneurs Nguyên et les rois Tây Son). De plus, dans ces « bleu de Huê », figurent des porcelaines réalisées spécialement en Chine pour un magasin de Hanoi qui portent les marques Hà Nội quảng ký phát thức et Hà Nội kỳ xương.

Certes, nous pouvons nous contenter de classer ces porcelaines en se basant uniquement sur leur origine chinoise sous la dénomination porcelaine chinoise d'exportation pour le Vietnam, période Kangxi (1662-1722), Yongzheng (1723-1735) ou Qianglong (1735-1795), etc.

Un tel classement nierait les caractères propres aux commandes vietnamiennes : réalisées toujours d'après des cartons préalablement peints par un artiste vietnamien et, parfois, avec des formes non usitées en Chine.

PL2___Anh_40

Je propose donc de classer, temporairement, ces porcelaines, selon l'usage communément utilisé en histoire de l'art pour la porcelaine chinoise, soit suivant les dynasties régnantes.

Je suggère d'abandonner le terme « bleu » qui pourrait prêter confusion avec les céramiques en cobalt sous couverte vietnamiennes. De plus, l’empereur Khai Dinh avait également commandé des porcelaines polychromes.

PL2___Anh_30bPL2___Anh_31a

Je propose d’adopter le terme « porcelaine ». En effet, comme la Vietnam n’a jamais produit de porcelaine (sauf durant la période actuelle), il ne peut y avoir de confusion possible. La porcelaine ne peut être que chinoise. Ou à la rigueur « porcelaine de commande » pour insister sur l’une des spécificités de ces pièces : les cartons furent exécutés par un artiste vietnamien avant d’être envoyés pour être copiés en Chine. D’ailleurs, actuellement, les Vietnamiens utilisent eux aussi le terme đồ sứ ký kiểu soit « porcelaine d’après modèle ».

Ainsi, nous avons trois catégories :

1.      Les « porcelaines (commandées durant la période) Lê postérieurs » (1533-1788)

PL1___Anh_17a_KXTTPL1___Anh_17b_KXTT

1.a.      Les « porcelaines commandées par les seigneurs Trinh » (ca. 1682-1782) portent les marques nôi phu thi trung, nôi phu thi huu, nôi phu thi dông, nôi phu thi nam, nôi phu thi bac, nôi phu thi doai, khanh xuân thi ta.

PL4___Anh_2a

1.b.     Les « porcelaines commandées par le seigneur Nguyên Phuc Chu » (ca.   1701) porte la marque Trân ngoan en caractère sigillaire et à décor de paysage et d’un long poème composé par le seigneur lui-même.

PL3___Anh_5

2.      Les « porcelaines (commandées durant la période) Tây Son (1778-1802) ». Ce sont le plus souvent des porcelaines de qualité médiocre et portant un poème en nôm (écriture propre au Vietnam, variante du chinois).

3.      Les « porcelaines (commandées durant la période) Nguyên (1802-1945) »

PL2___Anh_13a

3.a.      Les « porcelaines de Palais » (1802-1925) porte le nianhao des souverains Gia Long (1802-1820), Minh Manh (1820-1840), Thiêu Tri (1841-1847), Tu Duc (1848-1883), Khai Dinh (1916-1925) ou la marque nhut  (« soleil »)

PL5___Anh_7aPL5___Anh_7b

3.b.     Les « porcelaines de Dang Huy Tru » (1868) portent une marque en rond commençant par les caractères Tu Duc mâu thin trung thu Dang quy tu duong (« Automne de l’année mâu thin de l’ère Tu Duc (1868), maison de culte de la famille Dang ») suivi du mon du décor peint.

PL2___Anh_42

3.c.      Les « porcelaines d’ambassade ». Ce sont les cadeaux qu’offraient les souverains de Chine aux membres des missions tributaires vietnamiennes qui, selon la tradition, se rendaient tous les 4 ans à Beijing l’exception de quelques rares pièces, leur forme et leur décor sont typiquement chinois. Leur marque se limite à l’année de leur production. Cependant, l’absence au Vietnam de marque hors des années d’ambassade prouve que ces porcelaines furent bien des cadeaux d’ambassade.

PL3___Anh_6a

3.d.     Les « porcelaines de commande » (1802-1945). Ce sont des pièces commandées pour l’aristocratie et la bourgeoisie vietnamiennes qui portent soit un décor spécifique comme des poèmes en nôm soit une marque propre au pays et inconnue en Chine. Très souvent, on inclut dans cette catégorie des porcelaines chinoises d’exportation pour le marché du sud-est asiatique.

PL3___Anh_7a

PL3___Anh_7b

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité